La dernière Chance,
Par Derhelm le Chroniqueur
Elle est belle. Cela fait maintenant plus de deux heures que nous sommes assis l’un en face de l’autre. D’ici demain, je l’aurais tuée. Assassin je suis, assassin je resterai. Mes quatre précédentes missions s’étant soldées par des échecs, c’est ma dernière chance : je dois la tuer, ou je serai exclu physiquement de la Guilde.
On me l’avait montrée sur la place du marché : « C’est une étrangère, c’est elle que tu dois tuer ». J’étais surpris. D’habitude c’étaient des prétentieux, des ambitieux, des mégalomanes de tous acabits que l’on nous chargeait de tuer. Là, on me demandait de tuer la grâce, l’innocence, la pureté, la vertu même, au travers de cette pauvre étrangère perdue dans ce monde trop cruel. J’essaierai de lui rendre la mort la plus douce possible.
Je l’ai abordée. Nous avons passé l’après-midi ensemble. Puis je lui ai proposé de loger à l’excellente auberge de la Lamproie d’Or. Elle m’a pris le bras en acquiesçant, me regardant comme un ami de toujours.
Je reconnais que je me sentais assez mal, mais que faire ? Elle m’expliquait les raisons de son séjour dans la ville, mais je ne l’écoutais pas. Je plongeais dans ses yeux verts. Je caressais ses courbes du regard. J’étais fasciné par la danse ondoyante de sa magnifique chevelure sombre.
Comme un automate, je l’emmenai à l’auberge. Et voilà, nous sommes assis face à face, tels deux tourtereaux. Ou ne serait-ce pas plutôt, tel un prédateur jouant avec sa proie. Le prédateur joue pour sa survie, je n’en fais pas moins. Le repas fini, il faut que je pense à la tuer.
Je lui propose de monter nous coucher. Elle accepte. Arrivés dans le couloir, nos mains se rejoignent et se caressent.
Nous sommes devant sa chambre. Elle se retourne. A nouveau, je suis subjugué par son visage, ses yeux, sa peau, sa bouche. Nous nous enlaçons, nos lèvres se touchent. Je sens deux gouttes brûlantes glisser de sa peau sur la mienne. Elle se reprend. Rentre dans sa chambre. Sans un mot. Referme la porte.
Elle m’a tué. Je suis là, figé dans le couloir. J’ai succombé au charme de cette succube, je suis pétrifié par cette nouvelle Gorgone. Je rentre dans ma chambre. Les lattes du plancher craquent sous mes pas, et plus je m’éloigne plus je sens mon cœur se déchirer. Je ne la tuerai pas, je ne le pourrai pas, il faut que je la sauve.
Assis dans ma chambre, je reprends peu à peu mes esprits. Je dois la tuer. Si je ne le fais pas, quelqu’un d’autre le fera. Et on me tuera moi aussi. On n’échappe pas à la Guilde. A quoi cela servirait-il de s’enfuir avec elle pour être écorché vif une heure après par les trop efficaces bourreaux de la Guilde ?
Non, je peux lui donner une mort douce, maintenant, dans son sommeil. Je souffrirai plus qu’elle. Et je veillerai à ce qu’elle ait un bel enterrement.
Déjà de sors mes vêtements sombres ; je remplace mes bottes par des chaussures souples et silencieuses. Une fois harnaché, je donne un dernier coup de pierre à aiguiser au fil de mon poignard. Un coup sec entre l’axis et l’atlas, elle ne sentira qu’un petit craquement et ce sera fini.
Je mouche la lumière de ma lampe à huile et me glisse dans le couloir. Tout est sombre et silencieux. Je fouille les ombres du regard. J’avance vers sa chambre. Attention à ne pas faire craquer les lattes. J’approche, dans le pénombre, silencieux comme la mort. A quoi rêve-t-elle ? Je pose ma main sur la poignée de la porte. Une vague de sueur s’écoule le long de mon front. Je sens ma main trembler. Cette tension nerveuse est insupportable. Pourrai-je la tuer ?
Soudain, un craquement se fait entendre derrière moi. Je me retourne vivement. Un éclair d’acier fend silencieusement les ombres. Ma tête va rouler dans le couloir. Ma bien-aimée est là, toute de sombre vêtue. Le katana tout luisant de mon sang, elle regarde ma tête et dit : « Pardonne-moi…C’est la Guilde…C’était ma dernière chance. »
Trouvé dans un magazine ^^ Si ça vous a plut, j'pourrais ptetre en mettre d'autre
Lun 14 Déc - 21:09